Par leurs formes qui varient dans le temps et d’une région à l’autre, les bouteilles de vin racontent une histoire passionnante. Elles agissent comme un écrin protecteur pour le nectar qui vieillit et se bonifie à l’intérieur car sans l’invention de la bouteille jamais la personnalité des terroirs et des millésimes n’aurait pu se révéler avec autant d’éclat.
Nous vous proposons, dans cet article, de faire un bond dans le passé et de revenir sur une des plus belles inventions de l’histoire vinique qui au-delà d’être un simple contenant devient le marqueur d’un terroir et permet de transformer le vin en développant l’ensemble de ses arômes.
Avant la bouteille
C’est depuis l’Antiquité que nous avons constaté que le vin ne développe toutes ses qualités organoleptiques que lorsqu’il est conservé à l’abri de l’air. Afin d’éviter que l’oxygène transforme l’éthanol et que le vin tourne au vinaigre, il fallait donc trouver des contenants permettant la conservation et la préservation du liquide.
De l’amphore au tonneau
Rapidement on utilisa de vastes récipients de terre cuite, posés sur le sol ou enterrés, pour permettre la fermentation du moût et la conservation du vin, les dolia. Mais la contenance pouvant atteindre jusqu’à 2 500 litres, il était alors difficile de les transporter. Le vin était donc transvasé dans des amphores, plus légères et mobiles, des outres ou des tonneaux.
Pour les transports, l’outre de peau permettait de prendre moins de risque lors de l’achalandage de la marchandise sur des chemins laborieux mais l’amphore permettant une meilleur conservation du vin fut favorisée.
Les formes et les contenances d’amphores étaient variables, cependant toutes étaient constituées de deux anses et d’un goulot étroit pouvant être bouché. Souvent munies d’une base pointue sur un support rainuré ou latté, elles étaient facilement entreposables dans les cales des navires ou dans les entrepôts tandis que celles fabriquées dans le Sud de la France, plus volumineuses, possédaient une forme ventrue avec un fond plat guère adaptée à l’architecture des bateaux.
Pour obturer les amphores ont utilisait déjà un bouchon de liège que l’on recouvrait d’un opercule de terre cuite scellé au mortier.
Très vite, les tonneaux de bois cerclés de bois ou de métal font leur apparition et coexistent avec la terre cuite. C’est à Lyon que semble avoir été le principal centre de fabrication de tonneaux dès le Ier siècle avant JC. Le bois se substitue à la terre cuite à partir du IIIe siècle en Occident. Véritable prouesse technique de l’époque, le tonneau est solide et léger avec l’énorme avantage de pouvoir être déplacé par roulage ou rotation. On le transvase avec facilité grâce au trou de broquereau percé sur l’un des fonds et on l’entrepose sans difficulté.
Le tonneau sert non seulement à conserver et transporter le vin mais aussi et surtout à vinifier le moût.
La découverte du verre
L’invention du verre est vraisemblablement survenue en Mésopotamie au courant du IIIe millénaire avant notre ère avec la mise au point des fours clos. À cette époque, le verre est opaque et principalement utilisé pour fabriquer de fausses pierres précieuses. Dans le courant du IIe millénaire, on le coule dans des moules pour obtenir des récipients creux.
La révolution dont découle la fabrication des bouteilles est celle de la canne à souffler que l’on doit aux Romains. L’idée est sans doute venue d’un verrier qui a tremper sa tige creuse en fer d’une longueur de 0,70 à 1,60m dans la pâte de verre en fusion, qui en a cueilli une boule et s’est mis à souffler par l’autre extrémité de sa tige jusqu’à obtenir une bulle pouvant être modelée.
À l’époque impériale, les Romains fabriquent cruches et bouteilles en verre pour contenir le vin et non pas pour le conserver. Elles servent de récipients de service à table après que le vin est été transvasé d’une amphore en terre cuite.
De la carafe à la bouteille
Après la fin de l’Empire romain, l’art du verre garde un statut de haut raffinement. Sous l’Empire byzantin et en Perse on continue de souffler le verre pour confectionner bouteilles et carafes, qui ne portent bien évidemment pas encore ce nom.
Pendant une longue période d’invasion les techniques verrières antiques sont largement oubliées en Occident et ce n’est qu’à partir du XIe siècle que l’Europe redécouvre le plaisir des tables raffinées et joliment ornées de verres et de carafes à vin.
Même après le développement de la verrerie à bouteilles, les carafes souvent en cristal continuent à être fabriquées et sont aujourd’hui encore utilisées dans la restauration de prestige et les châteaux Bordelais.
L’avènement de la bouteille en verre
Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, la production de bouteilles en verre est une pratique coûteuse réservée à une élite. La plupart des carafes et bouteilles trop minces et fragiles ne peuvent servir qu’à tirer le vin du fût jusqu’à la table et non pas pour un transport sur une grande distance.
La révolution anglaise
Il faudra attendre le XVIIIe siècle et l’invention des fours à charbon par les Anglais pour que la fabrication de la bouteille de verre prenne une dimension commerciale et se généralise.
À l’époque, le vin en provenance du Continent acheté par les marchands était acheminé par de grands tonneaux. Afin d’écouler plus facilement la marchandise sur le marché domestique ils eurent l’idée de conditionner le vin en bouteille et très rapidement ils constatèrent que le vin s’y conservait beaucoup mieux qu’en tonneau.
Grâce à leurs fours à charbons, les Anglais produisirent un verre noir très épais qui donna des bouteilles plus épaisses et résistantes avec une large base qui ont rapidement prouvé leur supériorité pour le transport et l’entreposage du vin.
C’est au Portugal, qu’ils découvrirent les vertus du liège permettant un bouchage hermétique et de confier aux bouteilles du vin de qualité, de les coucher, les transporter et les conserver.
C’est à la fin du XVIIIe siècle que les bouteilles anglaises devinrent incontournables pour le conditionnement du vin en France et notamment pour le Champagne dont la prise de mousse ne peut être déclenchée que dans des bouteilles résistantes à la pression et très bien bouchées.
L’évolution de la ligne
Au départ, la bouteille en verre s’apparentait à une sphère aplatie avec un long col dans le but d’assurer une bonne assise ainsi qu’une bonne prise en main.
Avec le temps, la forme évolue et devient plus cylindrique pour des questions d’entreposage et de transport.
Le vin peut être conditionné dans des bouteilles de divers formats mais la norme dans la plupart des pays est de 750ml, mesure fixée en 1866.
Souvent on se demande pourquoi 750ml et non pas 1 litre ? La raison est qu’à l’époque le vin était transporté en barriques de 225 litres et les Anglais l’achetaient en comptant en gallons impériaux. 1 gallon équivalait à 4,54609 litres donc une barrique de 225 litres valait 50 gallons. Il fallait trouver un contenu donnant un chiffre rond, 225 litres correspondaient alors à 300 bouteilles de 0,75 litre et 1 gallon valait 6 bouteilles, c’est d’ailleurs pour cela que le vin est souvent vendu par caisses de 6 ou de 12 bouteilles.
La forme des bouteilles est standardisée dans la plupart des pays.
Par exemple, les vins Chardonnay sont souvent conditionnés dans des bouteilles bourguignonnes et les rieslings dans des bouteilles élancées de type alsacien. La forme de la bouteille donne un précieux indice sur le style du vin qu’elle contient.
Les bouteilles sont souvent colorées car le vin doit être protégé des rayons lumineux afin de préserver ses arômes et sa couleur. Ce sont les Champenois qui ont constaté que le liquide se conservait mieux dans un verre sombre favorisant ainsi le vieillissement du vin.
C’est paradoxalement le vin rouge, protégé naturellement par ses tannins qui est conditionné dans des bouteilles de teinte verte tirant sur le jaune ou l’ambre dites feuille-morte, filtrant parfaitement la lumière.
Le bémol est que le verre coloré rend plus difficile l’appréciation de la couleur par le consommateur, il est dommage de cacher les jolies nuances d’un blanc ou d’un rosé, c’est pourquoi ils sont présentés dans des bouteilles transparentes et qu’ils ne sont pas destinés à la garde.
Les bouteilles sont dotées d’un fond plat ou creux. Lorsqu’il est creux, on parle de « piqûre ». La plupart des bouteilles de Champagne et des vins effervescents ont une piqûre profonde car selon les méthodes de vinification traditionnelles les bouteilles doivent être mises sur pointe, goulot vers le bas, les unes sur les autres.
Les vins tranquilles n’ont pas besoin de subir ce traitement mais ils possèdent tout de même pour la majorité un fond creux qui donne l’illusion d’une plus grande contenance et qui facilite la prise en main lors du service.
C’est après des siècles de recherche et d’apprentissage que la bouteille en verre est devenue l’emblème vinique qu’elle est aujourd’hui. Véritable marqueur historique et culturel, elle est sacralisée et conserve une certaine noblesse dans la mesure où elle est la seule qui permet de révéler toutes les qualités gustatives d’un vin.
Si les techniques d’élaboration des bouteilles en verre ne cessent d’évoluer dans une recherche accrue de la performance, il semble que nous pouvons dire merci à toutes ces anciennes civilisations qui ont ouvert la voie et qui nous ont permis au fil des siècles de sublimer la boisson de Bacchus.
Dans le prochain article nous profiterons de notre visite au salon Sitévi pour nous intéresser au sleeve, une solution d’habillage unique, élégante et raffinée qui est également un vecteur de communication percutant.
La suite au prochain épisode…
Très intéressant comme sujet. Pourriez-vous ajouter s’il vous plaît quelques sources (références bibliographiques, liens vers sites Internet…) ?
Bonjour, désolé de vous répondre si tardivement. Meilleurs voeux tout d’abord ! Pour répondre à votre requête, je me suis surtout appuyée sur le livre de Jean-Robert Pitte « Le bouteille de vin : histoire d’une révolution ».